Tout le monde s’accorde sur l’urgence d’agir. Et les solutions bas carbone existent. Alors pourquoi ne sont-elles pas généralisées ? Maintenant que l’expérimentation fait ses preuves, il est temps d’interroger les freins qui empêchent le passage à grande échelle. Il est temps d’activer les leviers pour accélérer la décarbonation des chantiers.
Les retours du terrain convergent : les normes de construction actuelles ne sont pas encore réellement adaptées à l’innovation environnementale. L’analyse du cycle de vie (ACV) peine encore à s’imposer comme outil de référence face à des référentiels techniques plus anciens. Les délais d’homologation des matériaux - notamment issus du réemploi ou du recyclage - sont trop longs. « On reste coincé avec des certifications qui ne permettent pas toujours de valoriser des produits innovants, pourtant moins carbonés », souligne Stéphane Gaffié, responsable de l’unité innovation et expertise environnementale à la Société des grands projets.
Des signaux positifs émergent néanmoins. L’entrée en vigueur de la réglementation environnementale RE2020, les orientations de la taxonomie verte européenne, l’évolution progressive des normes liées aux bétons ou les politiques de performance environnementale dans les marchés publics créent un cadre plus favorable. Une reconnaissance plus rapide et plus large des innovations par les autorités de régulation permettrait évidemment d’accélérer, tout comme l’intégration de clauses dynamiques intégrant la performance carbone comme critère évolutif, afin d’ouvrir la porte à de futures avancées technologiques.
L’une des limites majeures concerne la fragmentation des responsabilités dans la chaîne de décision, notamment sur les projets complexes. À cela s’ajoutent des processus de maîtrise d’ouvrage parfois trop rigides, qui n’intègrent pas suffisamment les enjeux carbone en amont des arbitrages. Comme l’explique Stéphane Gaffié : « Il faut aller chercher les leviers tôt, dès les étapes d’études, sinon les marges de manœuvre les plus importantes se referment vite. »
La réponse passe par un renforcement de la gouvernance environnementale des projets. La démarche Design to Planet portée par la Société des grands projets pour ses nouveaux projets illustre ce virage : des indicateurs de performance carbone sont intégrés dès la phase de conception, y compris dans les pièces contractuelles des marchés et l’introduction d’un critère environnemental dans la grille de sélection, au même niveau que les critères prix ou technique, permet à des répondants de plus facilement gagner des marchés grâce à leur performance environnementale. La maîtrise d’ouvrage publique joue ici un rôle pivot en assumant la responsabilité de fixer le cap, de coordonner les acteurs et d’arbitrer au nom de la soutenabilité environnementale à long terme. Aussi, les contrats de maîtrise d’œuvre doivent également pouvoir s’aligner sur des objectifs environnementaux, en plus des critères traditionnels de performance.